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A quoi cela sert ?
28 juillet 2015

En attendant les barbares

Les livres qui analysent le déclin occidental ne manquent pas. Récemment, Le Suicide français d’Eric Zemmour s’est, sur ce thème, imposé comme l’un des plus beaux succès d’édition de l’année. Cependant, rares sont ceux qui, une fois le constat établi avec précision, tentent de poser les bases d’une refondation. C’est ce à quoi s’est attaché Jure Vujic qui, avec sa double culture franco-croate, se positionne d’ailleurs plus en défenseur de la civilisation européenne que d’un Occident hypothétique, qui est désormais l’incarnation de tout ce contre quoi nous luttons. Un Occident qui n’est plus que l’autre nom du modèle américano-luthérien souhaitant imposer sa vision unipolaire au monde entier. À partir du vers du poète grec Cavafy « En attendant les barbares », Jure Vujic file l’image d’une attente rendue vaine par la présence des barbares à l’intérieur même de l’espace européen, les élites s’étant depuis bien longtemps barbarisées. C’est à un véritable examen de conscience que nous appelle Vujic en nous proposant de traquer en nous cette part de barbarie, cet assentiment coupable, qui s’est imposé et s’étend. L’origine de l’apathie des peuples européens est bien là. La colonisation du « mental, de l’imaginaire individuel et collectif européen ». Les peuples de la Vieille Europe sont devenus incapables de réagir à la gravité du réel car leur esprit demeure anesthésié par plusieurs décennies de propagande. Désarmés spirituellement et philosophiquement, privés de leurs ressorts intérieurs, les Européens n’ont plus les ressources nécessaires pour s’opposer aux nombreux assauts venus de l’extérieur. Nous n’attendrons plus les barbares est un ouvrage vivifiant en ce qu’il n’hésite pas à rétablir le primat de l’esprit. Dans une époque qui ne raisonne plus qu’en termes économiques et matérialistes, voilà qui sonne neuf. Car il est une évidence que nos élites ne jurant plus que par la sacro-sainte croissance ont oubliée : un peuple ne perdure pas grâce à la prospérité économique, il perdure si demeure, pour le structurer, un socle de valeurs assez solide pour s’imposer au réel et le modeler. La chute de l’Empire Romain ne fut pas une faillite (économique) mais une décadence (spirituelle). Bien que la pensée de Vujic s’égare quelquefois en circonvolutions complexes, l’idée centrale est que « la refondation culturelle [suppose] de renouer avec une vision radicalement anti-progressiste de l’histoire ». C’est donc à la linéarité de l’histoire et au mythe rationaliste d’un progrès continu de l’humanité que s’attaque Vujic. Au rationalisme, aux idéologies, à la virtualisation intellectuelle de toutes les réalités humaines, Vujic oppose une pensée vitaliste. Nietzsche est souvent évoqué, mais sans caricature, et le philosophe au marteau est mis en perspective de manière heureuse avec, entre autres, le mystique russe Nicolas Berdiaev.

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  • A quoi cela sert ? Je me le demande parfois. Politique, économique, social... tout cela fait la misère du monde. C'est pour cela que je souhaite me changer les idées par l'écriture, ce blog.
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