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A quoi cela sert ?
16 décembre 2014

Loi Macron, tout ça pour ça

On dira ce que l'on veut, qu'il est bluffeur ou inconscient, libéral patenté ou travailliste à la française - pas socialiste en tout cas -, on ne contestera pas qu'Emmanuel Macron ait du courage. Il en faut une sévère dose pour se lancer dans la bataille baptisée de l'activité et de la croissance quand l'exécutif est au plus bas et que tout, où que l'on regarde, parait bouché à l'émeri. Et pourtant, dans le projet de loi qu'il a soumis mercredi au Conseil des ministres, il n'y a guère de nouveau par rapport à ce que les experts, de gauche ou de droite, nous serinent depuis des dizaines d'années. Et on en a connu des textes sur le mal français, les blocages de la société française, sa paralysie même, tout cela sur fond de réformes enterrées ou mutilées. Tous ne font, depuis 2008, que plus ou moins reprendre dans les grandes lignes le rapport élaboré à cette date, à la demande de Nicolas Sarkozy, par Jacques Attali, l'imaginatif ex-conseiller de François Mitterrand. Les conclusions, chaque fois, sont analogues, ou du moins, voisines, comme celles qui viennent d'être rendues publiques par deux économistes. Le premier est un Français, Jean Pisani-Ferry, déjà auteur d'un rapport rendu à François Hollande cet été. L'autre est allemand, Henrik Enderlein. La France dispose de beaucoup d'atouts, mais "n'ayant pas abandonné un modèle hérité de l'avant-guerre" (Jacques Attali) , elle doit d'urgence assouplir son marché du travail et "construire un État moins lourd et plus efficace" (Pisani-Ferry, Enderlein). Elle doit "libérer l'initiative", "favoriser la concurrence", "réduire le coût du travail" (Attali). Bref, la liste est connue de ce qu'il faudrait faire pour rendre à la France sa croissance et sa compétitivité. Les rapports sont rendus publics, ils restent un moment sur le bureau du président et du Premier ministre, puis rejoignent, dans la profondeur des bibliothèques, la masse des textes jugés trop difficiles à proposer au Parlement, au pays et à la majorité. On se souvient d'une des propositions considérées comme "phare" du rapport Attali : la libéralisation des taxis. Après une ou deux interventions de patrons de compagnies parisiennes et quelques mouvements de grève fort gênants pour les transports urbains, Nicolas Sarkozy préféra l'oublier. Emmanuel Macron s'inscrit donc dans une démarche loin d'être nouvelle. Pas plus que le Premier ministre, qui soutient évidemment son ministre et peut-être parfois le précède, il ne prétend ni révolutionner, ni tout chambouler, ni mettre les pyramides sur la tête. Mais simplement procéder à un toilettage : ouvrir et simplifier un petit nombre de secteurs, introduire de la transparence dans les tarifs des autoroutes ou dans ceux des professions réglementées. Et, horreur des horreurs, assouplir le travail dominical, tout cela dans le but affiché de relancer l'économie. Comme d'habitude, c'est sur ce dernier problème, qu'il est permis de qualifier de mineur, que se cristallise le débat. Et c'est là où le système politique français se révèle véritablement meurtrier. Car les coups pleuvent de tous les côtés contre le projet de loi. L'opposition, qui réclame une partie de ces mesures, sans les mettre en place, depuis des années, fait valoir que le texte ne va pas assez loin, que c'est une montagne qui a accouché de dizaines de petites souris. Elle prend le parti des professions réglementées avant même la discussion parlementaire. Elle rappelle, au demeurant, non sans raison, que la gauche avait voté contre l'ouverture des magasins le dimanche lorsque la précédente majorité l'a proposée il y a quelques années. Arguant que le projet Macron ne va pas assez loin, elle se refuse à considérer ce qu'il a de positif à ses yeux mêmes. Pas assez loin, donc trop loin. Pendant ce temps, la majorité se divise. Martine Aubry monte au créneau en publiant une tribune vengeresse dans Le Monde, jugeant qu'il s'agit d'une "dangereuse régression". Marie-Noëlle Lienemann reproche au ministre de l'Économie ce qu'elle reprochait en août dernier à Manuel Valls, à savoir de "s'asseoir sur le projet du PS", tandis que les syndicalistes jugent que la pause du dimanche fait partie des droits sociaux fondamentaux, acquis après des années de lutte. Sans compter les catholiques - il y en a beaucoup parmi les socialistes -, qui font du dimanche la journée de la réflexion et de la méditation en famille. Du coup, alors que 70 % des Français sont favorables à l'ouverture des magasins le dimanche, on ne parle plus que de les ouvrir douze fois par an. Pourquoi pas quinze, pourquoi pas cinq ? Plus grave, à cause de cette querelle du dimanche, le projet de loi tout entier est remis en question : le transport par autocars, ouvert à la concurrence ; la transparence des professions réglementées - commissaires priseurs, greffiers des tribunaux et autres notaires -, qui devrait pourtant entraîner, pour ceux qui en ont besoin, une baisse des tarifs ; la modification de l'intervention de l'État ; la rénovation des partenariats publics-privés. Voilà comment, par le jeu politique paralysant de la majorité et de l'opposition, des corporatismes et des peurs, rien ne change jamais en France. Emmanuel Macron va peut-être en faire l'expérience, au moins aura-t-il osé, à une dimension pourtant modeste, mettre les problèmes sur la table.

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  • A quoi cela sert ? Je me le demande parfois. Politique, économique, social... tout cela fait la misère du monde. C'est pour cela que je souhaite me changer les idées par l'écriture, ce blog.
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